Réforme des retraites : "Un texte antisocial indigne d’un gouvernement de gauche"
Explication de vote par André Chassaigne
Le projet de loi sur les retraites qui prévoit notamment un allongement de la durée de cotisation dans le secteur privé et public à 43 ans à l’horizon 2035, a été adopté le 15 octobre par l’Assemblée nationale à 270 voix Pour et 249 Contre.
"Ce texte prolonge les réformes libérales engagées par la droite (...) il n’est ni juste, ni équitable", a déploré André Chassaigne qui a voté, avec son groupe, "contre ce projet anti-social".
Explication de vote :
Pourquoi ? Pourquoi tant de précipitation à obéir aux diktats des marchés financiers, du patronat et de la commission européenne ?
En choisissant la concertation plutôt que la négociation, le dialogue social a été délibérément réduit à sa portion congrue, vous laissant toute liberté de vous inspirer des préconisations régressives des rapports Moreau et du COR.
Vous seriez passés en force à l’assemblée nationale, si les députés du Front de Gauche ne s’étaient opposés à la procédure du temps programmé. Une opposition que nous avons portée ensemble il y a quelques mois… mais les temps changent et vous avez prouvé qu’en matière de rénovation des droits du Parlement vous n’avez rien à envier à vos prédécesseurs.
Le recours à la procédure accélérée, qui autorise une lecture seulement dans chaque chambre, signe votre volonté de museler le débat public et parlementaire, et votre acharnement à vouloir faire passer un texte qu’une écrasante majorité de nos concitoyens réprouve…
Et pour cause : ce texte prolonge les réformes libérales engagées par la droite depuis 1993.
Il n’est ni juste ni équitable. C’est un tissu de régressions sociales que peinent à contrebalancer les rares mesures que vous présentez comme des progrès, qui ne sont en réalité que l’atténuation de reculs sur lesquels vous avez renoncé à revenir.
Vous commettez un véritable racket des retraités en leur ponctionnant 2 milliards d’euros dès 2014. Par la fiscalisation d’une part et le report de la revalorisation des pensions au 1er octobre, avec à la clé une baisse mécanique, inexorable des pensions par rapport au cout de la vie. Deux ponctions qui impacteront directement le pouvoir d’achat des retraités modestes, au premier rang desquels on trouve une majorité de femmes. Sur cet article, deux délibérations furent nécessaires pour venir à bout des réticences de votre propre majorité !
Il n’y a rien, ni dans ce texte ni dans votre politique, en faveur de la résorption des inégalités salariale, professionnelle et de retraite entre les femmes et les hommes : le gouvernement assume de ne pas engager de réforme des avantages familiaux avant 2020, comme il assume de ne pas résorber rapidement les écarts salariaux, mesure qui rapporterait 10 milliards d’euros par an pour le seul financement des retraites… L’égalité peut bien attendre !
La justice et l’équité attendront également…
Car il n’y a rien non plus dans ce texte ni dans votre politique, qui permette une plus juste répartition des richesses, un financement équitable et équilibré de la protection sociale et l’ouverture de droits nouveaux. Oubliée la retraite à 60 ans !!!
Rejetée par une écrasante majorité de nos concitoyens, l’allongement de la durée de cotisation fait reposer une grande partie de la réforme sur les jeunes générations. De votre propre aveu Mme la Ministre, cette mesure injuste repousse l’âge réel de liquidation de la retraite à 66 ans voire davantage. Le but de cette manœuvre est limpide : faire baisser le niveau des prestations servies. Travailler plus longtemps pour gagner moins et voir ses droits réduits, voilà le vrai visage de cette réforme !
Où sont l’équité et la justice quand 99% des mesures de financement pèseront sur les retraités, les actifs, les femmes et les jeunes, alors que les employeurs et le patronat sont d’ores et déjà assurés par le ministre de l’économie de voir leur obole intégralement compensée ?
Sur le volet pénibilité, c’est peu dire que les avancées sont laborieuses… On est encore très loin du progrès et de la justice sociale : nous y voyons plutôt un profond mépris pour ceux des travailleurs qui, usés, cassés après 25 ans de pénibilité, pourront partir à 60 ans… il y a 3 ans c’était l’âge légal de départ en retraite, et vous voudriez nous faire croire que c’est une avancée !!!
Enfin, vous mentez par omission au peuple français en claironnant que cette réforme permet de sauver notre système de retraites par répartition. La vérité Mme la Ministre mes chers collègues, c’est que vous avez refusé d’inscrire parmi les principes de l’article 1er, que notre système de retraite devait rester à prestations définies.
La vérité Mme la Ministre, c’est que votre texte fait de notre système de retraites un système à cotisations définies, dans lequel les droits des assurés deviennent des variables d’ajustement.
Si c’est là votre conception de la vérité, de la justice et de l’équité, alors nous vous la laissons.
Vous aviez l’occasion de marquer l’Histoire, 30 ans après la retraite à 60 ans !!! Vous n’en avez rien fait.
Ce projet de loi est indigne d’un gouvernement et d’une majorité de gauche !
Le peuple et les syndicats de salariés sont sur la place de la Concorde pour vous enjoindre de retirer votre projet. Les députés du front de gauche, à l’écoute des aspirations du peuple et des travailleurs, défendent une autre ambition pour notre protection sociale ; c’est pourquoi ils voteront contre ce texte antisocial.